Dr Pierre Quinodoz
Président
Dr Pierre Quinodoz, vous avez été président de la Société Suisse de Chirurgie Plastique, Reconstructive et Esthétique, quelle est la place de l’humanitaire dans votre carrière?
Tout a commencé lorsque j’étais jeune chef de clinique en chirurgie plastique aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Dans un colloque, une chirurgienne américaine basée à Nairobi, le Dr Marlène Long, nous a fait un exposé incroyable. En effet, elle était « flying doctor » et couvrait depuis Nairobi une grande partie de l’Afrique de l’Est où elle opérait de la chirurgie reconstructive.
Je suis donc parti opérer avec elle en Afrique de manière bénévole sur mon temps de vacances. Sur place, je me suis rendu compte de l’aide que nous pouvions apporter aux populations grâce aux connaissances acquises au cours de nos longues années d’études. Par la suite, j’ai essayé de trouver des partenaires médicaux et financiers pour poursuivre mon action. J’ai continué à voyager régulièrement dans les pays en voie de développement d’une part pour opérer et d’autre part, enseigner à mes collègues afin qu’ils propagent le savoir et opèrent eux-mêmes sur place.
Vous avez une expérience certaine de l’Afrique, quels sont pour vous les trois défis principaux de la chirurgie reconstructive dans les pays avec lesquels vous collaborez?
Il y a de nombreux défis pour la chirurgie reconstructive mais les principaux sont :
1) Une nouvelle forme de guerre avec des milices armées actives dans des zones très reculées où la moindre blessure peut s’avérer fatale. Je pense notamment à la République Démocratique du Congo (RDC). Les blessés civils ou militaires y meurent souvent car ils se trouvent à des journées de soins médicaux. En conséquence, ce ne sont que des blessés sans lésions internes, touchés au niveau de l’enveloppe corporelle qui parviennent vivant dans les hôpitaux. Ceux-ci sont plus souvent mutilés ce qui explique que les cas de chirurgie reconstructive sont de plus en plus nombreux.
2) L’enseignement en chirurgie reconstructive est très lacunaire. Afin de limiter au maximum le transfert des patients en Europe ou aux Etats-Unis, ce qui est coûteux et humiliant, il est primordial de former sur place des chirurgiens généraux à nos techniques de réparation. Cet enseignement doit s’accompagner d’une collaboration durable Nord-Sud et d’une meilleure communication entre les chirurgiens mêmes du continent. La télémédecine est un outil moderne peu coûteux que nous devons aussi mettre à leur disposition.
3) la collaboration avec les instances politiques locales afin qu’elles établissent des systèmes d’assurances qui prendraient en charge les personnes indigentes souffrant de malformations ou de traumatismes nécessitant une chirurgie reconstructive. Dans un pays comme le Rwanda, une telle prise en charge est garantie à toute la population. Ce pays est une exception. C’est pourquoi nous travaillons au niveau gouvernemental pour changer cela.
Vous êtes Président de l’association “2nd CHANCE”, que souhaitez-vous promouvoir de nouveau pour vos partenaires?
Nos partenaires ont eux-mêmes une grande connaissance de leur terrain. Je souhaite promouvoir l’enseignement à distance de chirurgiens plasticiens grâce à la télémédecine ainsi que l’esprit d’équipe entre les différents chirurgiens avec lesquels nous coopérons. J’essaie également de promouvoir l’accès aux soins aux populations indigentes en augmentant la surface de notre réseau. Année après année, nous faisons la différence pour les personnes que nous traitons et nos partenaires sont encouragés à poursuivre leurs soutiens.